L’ARBRE À PALABRES : CONTES URBAINS ET SENSIBILISATION
METTEURS EN PIECES est un groupe d'artistes engagé.e.s dans la création de projets artistiques pluridisciplinaires, mêlant théâtre, arts visuels, et autres formes d'expression pour offrir des œuvres originales, collectives et polymorphes.
Trois artistes du collectif Metteurs en Pièces ont transformé la place Saint-Denis à Forest en un espace éco-artistique avec "L'Arbre à Palabres", une installation évolutive faite de bois et de déchets issus des dépôts illégaux. Ce projet a engagé durant 4 jours en septembre la communauté locale dans des ateliers de création et des représentations d’un conte, sensibilisant ainsi aux enjeux environnementaux et au recyclage.
A une époque où la gestion des déchets devient une urgence collective, L'Arbre à Palabres s'impose comme une invitation à reconsidérer notre relation avec ce que nous rejetons. Cette oeuvre sculpturale éphémère conçue avec la participation de 458 personnes, dont 373 enfants issus de sept écoles forestoises, est ornée avec plus de 500 objets recyclés.
Chaque déchet, suspendu à cet arbre symbolique, raconte une histoire, soulignant l'idée que tout objet, aussi insignifiant soit-il, peut trouver une nouvelle vie et une nouvelle fonction. À travers ce geste artistique, le projet interroge notre manière de consommer et de jeter : est-ce que ce que nous rejetons est vraiment à la fin de sa vie ? Et que dit notre lien aux déchets sur nous-mêmes ?
"Déchet Story" : Un conte transformateur
Au cœur de ce projet, il y a le conte "Déchet Story", une véritable fable moderne qui fait résonner la question du rejet, du besoin de reconnaissance et de la rédemption. Ce récit raconte l'histoire de Mundo, une forestoise qui, en cherchant à se débarrasser illégalement sur la place Saint-Denis d'une boule de buis en plastique, se transforme en globe terrestre, à moitié cassé. Dans sa nouvelle forme, Mundo rencontre d'autres objets destinés à la déchèterie, comme Vouch Vouch l'aspirateur, Gauffriette le gaufrier, et Prison le lit à barreaux. Ces objets abandonnés tissent avec Mundo un lien profond, formant un cercle de parole où chacun exprime ses craintes d'être incinéré. Le mot-clé du cercle est "Recyclus", scandé en chœur par les enfants après chaque intervention, un rappel constant que la fin fait partie d’un cycle et qu'une renaissance est possible.
Périr par le feu ou renaître par l'art ?
Le feu, dans "Déchet Story", est omniprésent, incarné par Monsieur Brûle Tout, prêt à incinérer les objets abandonnés. Le feu, symbole de destruction, de fin définitive, évoque ici une question essentielle : voulons-nous laisser nos objets, et nos idées, périr dans les flammes de l'oubli ou leur permettre de renaître sous une nouvelle forme ? Le feu n'est pas seulement un élément destructeur ; il est aussi un catalyseur de transformation. Ce projet invite à repenser la façon dont nous envisageons le déchet, non comme un résidu sans valeur, mais comme une matière à métamorphoser, à recycler.
Mundo, dans sa quête pour sauver les objets du feu, nous rappelle la responsabilité que nous portons vis-à-vis de ce que nous créons et de ce que nous détruisons. En prenant la parole devant Sisyphe, le nettoyeur de rue, et Monsieur Brûle Tout, elle choisit de défendre l'idée que rien ni personne ne mérite de disparaître sans avoir exploré toutes les possibilités de transformation. Si nous considérions nos objets avec plus de soin, peut-être nous considérerions-nous aussi nous-mêmes avec plus d’attention et de compassion ? Tout comme ces déchets auxquels on redonne une nouvelle vie, notre propre valeur, parfois mise de côté, mérite d'être réexaminée à la lumière d'une seconde chance. Nous sommes, en quelque sorte, tous des "globe-terrestres" à moitié cassés, cherchant à retrouver notre intégrité dans un monde qui menace de nous brûler si nous ne trouvons pas une autre voie.
Un projet à revoir et à revivre
L'Arbre à Palabres est une invitation à la réflexion collective, un appel à la responsabilité partagée.
Quelle est la place de l'art dans la réconciliation entre l'humain et la nature ? Sommes-nous prêts à donner une seconde chance à ce que nous considérons comme inutile ? Pouvons-nous, à travers des projets comme celui-ci, redéfinir notre rapport à la consommation, à la propreté, et à la communauté ?
C'est en tout cas dans cette expérience de réveil artistique, ludique et communautaire, que le collectif Metteurs en pièces a pu voir les regards s'illuminer et les participant.e.s de tous âges et de tous horizons se joindre spontanément à une poésie collective, avec des déchets devenus sujets.
Benjamin Boutboul
Pour le collectif Metteurs en pièces